OLE MARTIN LUND B∅ : BEST-OF

« Best of », « very best of », « greatest hits », « hit singles », « ultimate collection », etc, sont un des drames méconnus de l’industrie musicale contemporaine. Supposé être né en 1958 avec Johnny Mathis, le « best of » est l’abomination qui ruine la conception fondamentale de la création sonore, à savoir l’album. En dehors de toute considération commerciale (le remix ou l’inédit rajouté pour que vous le rajoutiez à votre collection), le « best of » court-circuite le développement cohérent de l’album puis de la carrière d’un artiste et ouvre la porte, par la même, au morcellement ultime du single et de sa dématérialisation. Alors, quel rapport avec le jeune artiste norvégien Ole Martin Lund Bø ? On y vient, impatients consommateurs de « best of » machouillés…

Ole Martin Lund Bø best of damien deroubaix

A lire l’excellente initiative Conservative Shithead (monografik éditions) de Jérôme Lefèvre & Damien Deroubaix, sorte de « néo-fanzine » indispensable, deux propos dans l’interview de ce dernier (par le premier) sont assez significatifs. La première remarque est que Damien Deroubaix, parmis les très bons groupes écoutés dernièrement chez lui, figure les suédois d’Unleashed, dont il écoute le… « best of » ! Alors, oui, vous vous demandez sans doute ce qu’est un « best-of » d’Unleashed : genre « greatest hits » avec tous leurs « hit singles » ? [Note : il est fort probable que ce soit « Viking Raids : the best of » et non, malheureusement, l’excellent coffret en bois « immortal glory », lui aussi dénommé « best of » par le simple fait qu’il recouvre, en 10 disques, les années Century Media d’Unleashed]. La seconde remarque s’attache à la notion de post-modernisme (dont on ne fera pas l’historique ici, même en laissant de côté son origine architecturale) que Deroubaix déclare morte, terminée, dans une ironie (probablement) ignorée. Lui qui travaille sur la mort dans un post-modernisme absolu, on frôle ici la citation touchée par la grâce…

Tout ça nous mène à Ole Martin Lund Bø. Car, à y regarder d’un peu plus près, le post-modernisme n’est pas si éloigné que cela de la notion de « best of », extraction du meilleur, disons, du plus significatif, dans l’ensemble de la création passée ou actuelle. Et c’est exactement ce que fait notre jeune ami scandinave. On retrouve dans son travail, pêle-mêle, des coulures de peintures, des plaques laquées noires, des structures d’amoncellement en bois, des écritures en 3D jouant sur la perspective, des objets plongés dans du goudron, des plaques de verre brisées, des installations à la cinématographie poétique minimalisante, des sculptures d’acier poli ondulé, des pochettes de disques vinyles retravaillées, des piles de posters à emporter, des caissons lumineux, etc. Soit, en gros, et dans le désordre, quelques hits de Bruno Peinado, Jim Lambie, Banks Violette, John Armleder, Anish Kapoor, Georges Rousse, Jeff Wall, Claude Lévêque, Marc Bijl, Christian Marclay, Felix Gonzalez-Torres, etc. Manque à cela les lustres et le néon pour parfaire le tout… peut-être les réserve-t-il pour l’édition collector ?

Ole Martin Lund Bø best of damien deroubaix

Difficile à dire dans quelle mesure Ole Martin Lund Bø a conscience et joue de cette stratégie : victime ou critique ? La première hypothèse paraît la plus probable… Reste que, comme tout « best of » qui se respecte, cela fait plutôt un mauvais album, sans personnalité ni cohérence, un enchaînement de titres qui ne sont pas mis en valeur par leur contexte. Malgré tout, et même si les accords sont connus, ses photos d’églises forment une chanson quasi parfaite. Des architectures d’églises photographiées du ciel, à l’aplomb, bouleversant la vision et redonnant une forme d’humanité architecturale en dialogue avec l’évasion céleste. Absolument somptueux. Une perle digne de figurer… dans son « best of ».

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