« La décadanse, sous mes doigts t'emmènera vers de lointains au-delà. Des eaux troubles soudain troublent mes sens (…) La décadanse, plus encore que notre mort lie nos âmes et nos corps. Dieu, pardonnez nos offenses. La décadanse a bercé nos corps blasés et nos âmes égarées »*.
Certes, nous aurions pu également choisir :
« Tourne-toi ! – Non ! Contre moi. - Non, pas comm' ça ! Et danse la décadanse. Bouge tes reins, lentement, devant les miens. Reste là, derrière moi. Balance la décadanse, que tes mains frôlent mes seins »*.
…Mais ce n’était plus le même propos.
Cela étant, l’hymne sensuel de Gainsbourg est plus que jamais d’actualité (et d’autant plus avec sa rétrospective posthume à la Cité de la Musique). Seulement, l’art est mort, et c’est son cadavre que l’on invite désormais à danser. Pourtant, quelques nécrophiles s’amusent encore de cette décadanse, redéterrant pour ce faire un corps abandonné par d’autres il y a plus d’un siècle de cela.
L’histoire ayant une fâcheuse tendance à se répéter, les garde-fous, censures en tout genre, restrictions et autres « politiquement corrects » ne semblent être que les signes annonciateurs d’une période de décadence générale, tant économique que culturelle ou sociale. Dans l’art, on revit une période de la fin du XIXe siècle où certains artistes, pris entre la fadeur d’un académisme « pompier » et une réalité sociale dégénérée, ont préféré choisir l’évasion. Une échappatoire qui a donné naissance au symbolisme, un des mouvements les plus étranges de l’art moderne. Cette situation n’est pas sans rappeler la situation actuelle, où les nombreux artistes pompiers « nouvelle génération » sont bien décidés à éteindre le feu de la création.
Passons rapidement sur la présentation des belligérants. L’étape, bien qu’un peu formelle, semble être quasiment obligatoire ces derniers temps : peut-être aurons-nous l’occasion de reparler de cette histoire assez édifiante sur une vente annulée d’un dessin de Scott Hunt à la galerie Goff + Rosenthal suite à la plainte d’un collectionneur. Ce dernier ayant confondu la date de naissance et l’obtention du diplôme (1981) de l’artiste, il a accusé la galerie de mensonge et demanda réparation…. C’est sûr, on ne plaisante pas avec ce genre de critères déterminants : que voulez-vous faire d’un artiste qui a la cinquantaine ?... Bref. Les trois artistes sont de la même génération : Iris Van Dongen (1975), Sue de Beer (1973), Terence Koh (entre 1969 et 1979, s’il tant est qu’il puisse être prouvé qu’il soit réellement bien né…). Une américaine, une hollandaise et un sino-américain. Deux femmes et un homme. Désolé, on ne connais pas leur taille réelle (ils font à peu près les mêmes tailles sur les photos). Ils sont artistes. Utilisent préférentiellement et respectivement le dessin, la vidéo et l’installation. Ils sont intelligents, ou suffisamment du moins pour nous le faire croire. Ils aiment sans doute Gainsbourg (il n’y a pas de raisons). Et si ce n’est pas le cas, quelle importance ? La question fondamentale serait sûrement : quels critères définissent un artiste ? Quelle place accordée à tout ce qui échappe à sa pratique artistique fondamentale, y compris pour celui qui travaille sur sa vie (l’artiste « sophiecallien ») ou qui s’autoportraitise ?…. Concernant nos trois protagonistes, disons qu’ils travaillent, en-deça d’un esthétisme attirant de surface, sur une conceptualisation profonde de phénomènes en marges. Leur processus de réflexion premier est singulier. Ils retournent deux fois l’analyse sans jamais revenir à leur point de départ, créant de ce fait une spirale analytique : retraitement d’un sujet obscur dans une mise en lumière par l’esthétique pour mieux sonder et replonger celui-ci dans de nouvelles et inexplorées ténèbres…. Et lux in tenebris lucet, etc, etc.
Mais leur point commun le plus évident est qu’ils rejetteraient sans doute, tous en bloc, tout lien ou appartenance à une quelconque nébuleuse « néo-symboliste ». Ca leur fait déjà une idée partagée nous direz-vous… Mais est-ce suffisant ? Pas si sûr. D’autant que, précisément, ils englobent chacun dans leurs travaux les trois caractéristiques fondamentales du symbolisme originel.
Alors, Sue de Beer, Terence Koh, Iris Van Dongen : néo-symbolistes ? Tentative de décryptage…. La semaine prochaine.
* Paroles extraites de La décadanse, chanson écrite et composée par Serge Gainsbourg, 1971.
Iris Van Dongen, Terence Koh, Sue de Beer: the neo-symbolists decadance.
Well, we could also have picked:
“Turn! – No! Against me – No, not like that! And dance the decadance. Move your small of the back, slowly, in front of mine. Stay here, behind me. Sway the decadance, that your hands brush my breasts”*.
But it was a different subject.
History distressingly repeats itself: safeguards, censorships, restrictions, politically correct attitudes are the warning signs of a global decadent period to come, economic, cultural and social. In Art, we are back to the end of the 19th century when some artists, stuck between a tasteless “pompier” academism and a degraded social reality, have chosen to escape. This way out gave birth to Symbolism, one of the weirdest movement in modern art. This situation reminds the actual situation: numerous “pompier” artists new generation want to put out the creation fire.
Let us introduce them quickly. It’s formal but quite obligatory nowadays: maybe we could talk further of this edifying story concerning a cancelled sale of a Scott Hunt drawing at the Goff + Rosenthal Gallery. An art collector complained because he misunderstood the date of birth and the diploma year (1981) of the artist. He accused the gallery for having lie to him and asked restitution. For sure, we cannot joke with such a determinant criteria: what on earth do you want to do with someone in his fifties?... Anyway. The three artists are from the same generation: Iris Van Dongen (1975), Sue de Beer (1973), Terence Koh (between 1969 and 1979, if someone can prove that he is effectively born…). An American, a Dutch and a Sino-American. Two women and a man. Sorry, we do not know their height (they look the same size on pictures). They are artists. They preferentially and respectively use drawing, video and installation. They are clever, or clever enough to let us think they are. They probably love Gainsbourg (there is no reason they don’t). And if they don’t, what’s matter? The main question certainly is: what criteria define an artist? What importance attaches to everything that is not directly linked to his work, including for the one who works on his own life (the “sophicallian” artist) or self-portraits himself?.... Concerning the three protagonists, they work, underneath an appealing surface esthetic, on a deep conceptualization of margin phenomenon. They primary reflexive process is singular. They twice return the analysis but never come back to their starting point, creating an analytic spiral: reprocessing of a dark topic by an enlightenment through esthetics, in order to sound and bring back their subject to new and undiscovered darkness… Et lux in tenebris lucet, etc, etc.
But their main common point that they’d certainly deny is their belonging to any nebulous “neo-symbolist” movements. That’s a sharing idea, for sure… but is it enough? Not so sure. Precisely, each one, in his work, embraces the three fundamental characteristics of the original Symbolism.
We’ll try to interpret… next week.
* Lyrics taken from La décadanse, a song written and composed by Serge Gainsbourg, 1971.
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