MICHAEL JACKSON - MISTER LONELY (PART 1/2)

« Oh my God! ». La presque déjà oubliée Katy Perry nous livre pourtant la réaction la plus inoubliable faisant suite à l’annonce de la mort de Michael Jackson. Claire et concise, merci Katy.

Alors que des centaines de milliers de fans éplorés enjoués (?), dansent et chantent à travers le monde (célébration étrange pour une disparition… mais normale pour un extra-terrestre ?) pour rendre hommage au plus grand entertainer du siècle dernier et sans doute le représentant le plus novateur de la musique moderne, nous souhaitons également saluer comme il se doit celui qui a toujours été en avance, désirant lui rendre ce vibrant hommage…. artistique.

paul mccarthy michael jackson



Vous le savez désormais, il ne peut y avoir d’articles convaincants sur l’art sans une référence explicite à Warhol et Duchamp (lequel est mort trop tôt dans le cas présent pour nous être utile…. Quoique….). Donc, à tout seigneur tout honneur pour Andy le dandy qui signe différents portraits de Jackson en 1984 prenant le train presque en avance comme bien souvent, consacrant, sacralisant, avant les autres celui qui n’est pas encore l’Idole qu’il deviendra rapidement. Et comme on ne peut pas être une star mondiale sans être recopié, c’est Mr Brainwash qui s’y colle en apposant un traitement warholien (cheveux et maquillages de Marilyn) au portrait de Michael : vers une ambiguïté sexuelle ? On peut par ailleurs rapprocher le travail sur les icônes du photographe japonais Keiichi Nitta, incluant un portrait poudré de Michael Jackson, des autoportraits polaroïds de Warhol…. On y revient toujours. Même phénomène pour Koons, digne successeur de Warhol et donc candidat à une destinée similaire. Jeff nous gratifie en 1988 de
Michael Jackson and Bubbles, une sculpture qui aurait merveilleusement trouvé sa place à Neverland. Pas kitsch mais d’un goût, disons, singulier. Hommage à la relation de la star à son singe et incarnation dans la porcelaine de la mythologie jacksonienne, son rapport aux médias dans la surface polie, l’or factice et la fragilité de l’ensemble. Il est ainsi à son tour repris par Paul McCarthy qui réinterprète l’œuvre (Michael Jackson Red, 2002) en agrandissant tête, mains et pieds pour ajouter de l’extravagance et de la démesure, de la modification corporelle en écho et une dose de malaise propre à l’artiste américain ; ou il rejoue sa propre pièce dans l’abstraction du signe, faisant remonter l’ensemble à des sculptures primitives, des totems enfouis pour des générations à venir (Michael Jackson Fucked Up, 2001). Richard Philips enfin, modifie le médium et peint Jacko (after Jeff Koons), 2001, mettant en abîme les degrés de représentation et d’interprétation en interconnectant les réalités et les images de Koons et Jackson, de l’art sur lui-même.

Il y a ensuite plusieurs façons d’envisager la relation de l’art à l’autoproclamé King of Pop. La plus simple étant l’utilisation de la pochette de disque : Christian Marclay dans sa série des Body Mix prolonge Thriller dans Footstompin’ et fait de Michael Jackson une femme partiellement noire. Décidemment, féminité et couleur de peau collent à celle du petit Jackson n°5. C’est ainsi que John Oswald fera scandale avec sa pochette de Plunderphonic sur laquelle il détourne Bad et fait du pauvre bougre une femme… blanche mais nue. Angela White intègre un disque de Michael Jackson dans une savante et autonome structure de platines vinyles, laissant place à une musique (presque) délivrée de son auteur. Kristoffer Akselbo lance la pochette de Bad dans un tourbillon rotatif : vertige du pouvoir ou volonté de faire subir au visuel l’audible ?

Vous pouvez tout aussi bien vous attaquer au portrait du maître de manière plus frontale. Certes, ce n’est pas toujours de manière très flatteuse : Dawn Mellor aime déconstruire les mythes (et participer du même coup à leur élaboration). Le portrait qu’il propose de Michael Jackson extrait du clip de Thriller montre un monstre en mutation, mi-homme mi-entité surnaturelle, ce qui constitue finalement un portrait assez fidèle du chanteur sus-mentionné. Apparemment, les modifications corporelles plus ou moins subies de l’afro-américain ont fasciné les artistes. Dans Time can be a villain or a friend d’Hank Willis Thomas ou dans Found image of Michael Jackson de Martijn Hendriks, on a chaque fois tenté de recréer un Michael Jackson pur, non modifié, vieilli artificiellement, créant un monstre au visage humain, renversant les codes. Dana Schutz fait The autopsy of Michael Jackson, anticipant le réel et le dépeignant en cadavre entre Beckmann et la créature de Roswell. Jackson permet de transgresser les règles et de déplacer, par son personnage, plus que par sa musique ici, les normes et les frontières. C’est parce qu’on ne le pensait plus humain qu’on l’envisageait immortel. Perdu.

christian marclay michael jackson

Heureusement, le gros plan dans un tondo de Gary Hume (Michael, 2001) le fait accéder à la postérité par la réduction du signe au minimalisme, le contraire de l’autre postérité, musicale celle-là, faite d’explosion et de débordements. Michael Jackson était certainement seul, terriblement, mais empli d’une solitude vide car son image lui a déjà survécu, bien avant sa mort, détachée de sa corporéité. Une sorte d’œuvre d’art sur pattes, légendaire, ressuscitée de son vivant et de ce fait, intemporelle.

Michael Jackson n’est donc pas mort ; en tout cas, pas plus qu’Elvis…. ou Andy Warhol (!).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire