SUICIDE : A WAY OF LIFE - PART 1

Suicidal Tendencies. Tendance, le suicide ? Vraiment ? Ou bien, en ces temps de crises générales, c’est la tendance à être suicidaire qui se développe ?

andres serrano suicide



Suicidal Tendencies
, le titre de la dernière exposition de Bruno Peinado à la Galerie Manet de Gennevilliers n’est pas un choix anodin. La S.T. Crew (Suicidal for life !) aura reconnu le nom du groupe culte de skate punk californien, mais la pratique même de Peinado inclut d’autres enjeux tirés de la mort volontaire, qu’elle soit sociale, culturelle ou artistique ; entre réappropriation, nostalgie et dénonciation de suicides plus ou moins volontaires.

L’autolyse demeure d’ailleurs un sujet relativement tabou dans nos sociétés. L’asepsie générale cherche à cacher tout rapport à la mort, et surtout pour tout ce qui touche à la plus condamnée de ses formes. L’art reste néanmoins un champ d’expérimentation capable de passer outre les inhibitions et de dépasser nos peurs et nos limites (une démarche parfaitement acceptée, ici, comme le montre l’exemple d’Oleg Kulik à Paris, ou ailleurs, comme les cochons tatoués de Wim Delvoye à Shanghai...).

Le suicide parcourt bien évidemment l’histoire de l’art, sujet mythologique ou réaliste (la Mort de Cléopâtre d’Alessandro Turchi ou Le suicidé d’Edouard Manet), il est donc tout naturel qu’il continue à être représenté à l’époque actuelle. Seulement voilà, autre temps, autres moeurs. D’accepter sous la Rome antique comme un signe éthique de bravoure, il est devenu, 2 000 ans de christianisme plus tard, un acte condamnable et condamné (rappelons que l’ouvrage Suicide : mode d’emploi de C. Guillon et Y. Le Bonniec, éd. A. Moreau est toujours interdit en France depuis 1987....).

Pour répondre à cette vision tragique de la fin de la vie, les artistes ont adopté diverses stratégies. L’humour tout d’abord. Malgré la volonté affichée de dédramatiser ce sujet délicat, il semble qu’il y ait toujours, même dans les détournements amusants du thème, un fond de trouble et d’inquiétude. L’écureuil solitaire de Bidibidobidiboo de Maurizio Cattelan est un étrange miroir de nos vies tragiques, d’une humanité perdue. Le Saut dans le vide d’Yves Klein (le premier datant de janvier 1960.... il en a miraculeusement (!) fait d’autres) est une mise en lumière de la chute et de l’élévation de l’artiste luciférien et joue du pouvoir de l’image. Autre vision, le Professeur Suicide d’Alain Séchas s’affirme comme une expérience du merveilleux. Fidèle à son habitude, Séchas utilise l’ironie et le décalage féroce pour pointer l’aiguille là où ça fait mal.

A l’inverse, d’autres ont opté pour la représentation frontale. Certains n’hésitant pas à mettre les pieds dans le plat, voire les mains dans le cadavre. Le meilleur exemple demeurant, comme bien souvent, Andres Serrano. Les photos de la série The Morgue inclut plusieurs suicidés (Rat Poison Suicide I & II, Shotgun Suicide) et nous laissent seuls dans un tête à tête inquiétant et esthétique avec la mort. De manière légèrement plus distancée, Sam Samore dans sa série The Suicidist simule des suicides photographiques, empruntant tout autant à l’esthétique de Weegee qu’aux mises en scène de Jeff Wall. Des images dégagées de tout pathos, glacées et étonnamment vivantes. Trois pendus à suivre : Jan Fabre dans un magique et mythique Autoportrait en artiste-diable, Gino de Dominicis dans un Untitled (qui a récemment fait la couverture de Flash Art) empreint de mystère et de solitude propres à la pratique de l’artiste, et enfin, Anja Niemi dans un superbe et fantomatique The Coward Suicide, tout en effacement délicat.

sam samore suicide

Des suicides célèbres : The Death of Kurt Cobain de Sandow Birk (reprenant celui de Thomas Chatterton par Henry Wallis), confirmant le statut symbolique de la star maudite de Seattle. Des suicides conceptualisés : Anthem (twin-suicide) et Anthem (to future suicide) de Banks Violette, d’un minimalisme référencé et d’une froideur tragique. Des suicides à l’autre bout de la Terre : Suicide Series de Wei Guangqing, Suicide de Zhang Dali. Des suicides assistés : les Suicide Kit Fluxus (Ben, Brecht, Maciunas...). Même Claude Lévêque nous accueille dans son Welcome to Suicide Park. Des suicides partout et toujours.... une vraie invasion !

Le thème, porteur de sens, reflet tant de la situation à part de l’artiste, réminiscence romantique, que de nos dérives et de la perte de nos repères fondateurs est fortement présent aujourd’hui, accompagnant l’ultra représenté crâne comme symbole de vanité. Le suicide est un acte sociologiquement complexe, reliant des univers aussi divers et nombreux que la philosophie, la psychiatrie, la religion, et qui démultiplie ainsi autant de pistes d’explorations possibles pour l’art, de la plus profondément subtile à la plus outrageusement sensationnaliste.

La jeune artiste Kepa Garraza, dans la série Y los llamamos ángeles caídos, peint des artistes célèbres morts, suicidés pour la plupart, dans leur acte fatidique. Un phénomène qui s’inscrit dans une attitude prise entre désespoir et recherche absolue de liberté. Un mal-être érigé en paradigme artistique.

(Pas un exemple) à suivre....


Suicide: a way of life – part 1

Suicidal Tendencies. Is suicide trendy? Really? Or, in our general crisis times, the tendency to be suicidal is growing up?

Suicidal Tendencies is the title of the most recent Bruno Peinado’s exhibition at the Manet Gallery in Gennevilliers and it’s anything but a neutral choice. The S.T. Crew (Suicidal for life!) has recognized the name of the Californian skate punk cult band, but the very approach Peinado uses in his work includes other issues of the deliberate death: social, cultural, artistic; between embezzlement, nostalgia and denunciation of more or less deliberated suicides. The suicide is still quite a taboo theme in our sterilized societies. We try to hide every confrontation to death, and specifically for its most condemned form. Fortunately, art remains a free experimental field where we can exceed our inhibitions, fears and limits (a well-accepted process here, like Oleg Kulik’s example shows us in Paris or elsewhere, like Wim Delvoye’s tattooed pigs in Shangai….).

The suicide is frequent in art history, as a mythological or realistic subject (The death of Cleopatra by Alessandro Turchi or The Suicide by Edouard Manet). Logically, it is still a study object today. Well, other days, other ways. During the Antic Rome, it was considered as an ethic and courageous sign. Now, 2,000 years of Christianity later, it is a condemnable and condemned act (the book Suicide : mode d’emploi by C. Guillon et Y. Le Bonniec, ed. A. Moreau is prohibited in France since 1987….).

Artists choose different strategies to represent the tragic vision of the end of the life. First of all, the humor. Even if artists try to play things down, there is always a disturbing and worrying way besides the funny misappropriations. The solitary squirrel from Bidibidobidiboo by Maurizio Cattelan is a strange mirror of our tragic lives, of a lost humanity. The Saut dans le Vide by Yves Klein (the first is from 1960… he miraculously (!) jumped again) highlights the fall and rise of the luciferian artist and plays with the image power. An other vision, the Professeur Suicide by Alain Séchas is an experiment of the mysterious. As usual, Séchas uses irony and fierce discrepancy to point the needle where it hurts.

On the contrary, different artists pitch on direct representation. Some of them do not hesitate to put one’s foot in it, and even one’s hand. The best example, as usual, is Andres Serrano. The photographs from The Morgue series include many suicides (Rat Poison Suicide I & II, Shotgun Suicide) and leave us alone on a frightening and esthetical close-up with the death. Slightly outdistanced, Sam Samore’s The Suicidist series simulates photographed suicide, reminding Weegee’s aesthetic and Jeff Wall’s staging. The images, frozen but surprisingly alive, come out of pathos. Three hanged-up to come: The magical and mythical Jan Fabre’s Self-portrait as a devil-artist, Gino de Domenici’s’ Untitled (that was recently the cover of Flash Art), full of the typical mystery and loneliness of the artist work, and then, Anja Niemi, for her magnificent and ghostly The Coward Suicide, tactfully retiring.

Famous suicides: The Death of Kurt Cobain by Sandow Birk (a cover of Thomas Chatterton by Henry Wallis) confirms the symbolic status of the cursed star from Seattle. Conceptualized suicides: Anthem (twin-suicide) and Anthem (to future suicide) by Banks Violette, a referenced minimalism added to a tragic coldness. Expatriate suicides: Suicide Series by Wei Quangqing, Suicide by Zhang Dali. Helped suicides: the Fluxus Suicide Kit (Ben, Brecht, Maciunas…). Even Claude Lévêque welcomes us to Suicide Park. Suicides everywhere and forever… a real invasion!

This meaningful topic is widely represented nowadays. It is a reflection of the out of the ordinary situation of the artist, a romantic reminiscence, and of our drifting and lost situation. It goes with the over represented skull as symbol of vanity. The suicide is an act sociologically complex, relying numerous and different worlds such as philosophy, psychiatry, religion. It allows artist to work after possible explorative ways, from the deepest subtle one to the most outrageously sensationalist’s.

The young artist Kepa Garraza, in the Y los llamamos ángeles caídos series, paints famous dead artists, most of them suicide, in their fatidic act. A phenomenon dealing with ambivalent attitudes, between despair and absolute research of freedom. A misery rises to an artistic paradigm.

To be (hopefully) continued.

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