ARPANET : ART PAS NET

Internet a changé la donne. Pas dans son utilisation : laissons de côté pour le moment le pape Miltos Manetas et ses cardinaux Neen artistes. Non, Internet a surtout changé la façon de voir l’art. Alors nettoyons les portes de la perception, que toute chose nous apparaisse enfin telle qu’elle est : infinie.

martin creed internet art arpanet



On l’a dit, on n’évoquera pas les oeuvres parfois passionnantes, parfois simplettes qui vivent par Internet. On n’évoquera pas non plus la formidable ressource que représente Internet dans la recherche de matières premières pour des artistes qui l’utilisent avec talent (Steven Shearer) ou avec ce qu’ils peuvent (Ida Tursic & Wilfried Mille). Alors oui, Internet a déjà modifié beaucoup de choses dans la façon de faire de l’art, voire même dans la capacité d’ouvrir une fenêtre à de nombreux artistes en herbe et/ou en mal de reconnaissance.... Comme d’ailleurs pour toutes les formes de création : chanteurs, acteurs, écrivains, cuisiniers ou autres, bloggers en tout genre. Mais Internet a surtout modifié le regard que l’on porte sur l’art puisqu’il nous permet de tout voir. Big Brother es-tu là ? Nous devenons omniscients, spectateurs virtuellement réels.

Il y a 62 ans de cela, un petit bonhomme avait compris et affirmait dans son Musée Imaginaire que la photographie permettrait l’accès et la confrontation de centaines d’oeuvres à l’échelle internationale, diffusées et mobiles à travers le livre. Qu’aurait-il pensé d’Internet ? Aurait-il seulement pu l’imaginer ? On peut désormais voir les oeuvres à travers le monde, parfois même avant qu’elles soient exposées. Conseil : jetez un coup d’oeil au Hardcore Zombie Project de Bruce Labruce sur www.peresprojects.com. On peut traverser une expo grâce aux « visites virtuelles » sans se déplacer. Conseil : visiter Phantom Studies de Lori Hersberger sur www.mac-lyon.com. (Re)voir des oeuvres vidéo et performances en tout genre et en permanence. Conseil : le roi dans le domaine étant l’absolument et définitivement fascinant www.ubu.com, commencez par regarder les vidéos Selected Works (1970-71) de Bas Jan Ader. Pire : on peut même acheter une oeuvre, sans même l’avoir vue « en vrai ».... (ah, les dérives du Net : mais que fait le contrôle parental ?). Conseil : à ne pas faire.

Nous ne sommes pas là pour juger du progrès que cela représente, c’est une évidence. On a passé l’âge de s’émerveiller de la Sortie d’usine des Frères Lumière. Evidemment que toutes les dérives, y compris sur le terrain a priori peu dangereux de l’art, sont à proscrire (enfin, uniquement celles qui n’apportent pas une expérience constructive). C’est un bonheur pour tous ceux qui ne sont pas d’heureux collectionneurs milliardaires, terroristes du jet-lag, ayant la chance d’aller voir, juste pour le plaisir, l’exposition... sonore de Kyoji Ikeda au MOT de Tokyo. Internet, c’est tellement bien que cela donne envie de ne plus sortir de chez soi, de croire que l’on a tout vu. Seulement, on ne peut pas comprendre Claude Lévêque sans ressentir la fulgurance de ses installations, percevoir la démesure d’une oeuvre vide de Martin Creed, toucher l’élégance des peintures de Jonathan Meese.... Bref, l’art se vit (car l’art c’est la vie... comme Rrose), se ressent avant tout profondément, physiquement. La différence est entre le disque et le concert. A la différence près que l’art ne se crée que pour le direct... et qu’on en fait des images fixes, des cds live. Hormis la secte Neen, toutes les oeuvres sont indispensables à voir (qui a parlé d’« art visuel » ?) dans leur matérialité, en face à face avec l’immatériel. Si, si, même pour les photos... et les vidéos. Tout simplement parce que le contexte change l’oeuvre : un Thomas Ruff dans un musée, sur votre écran ou au-dessus de votre canapé, on vous assure, ce n’est pas franchement la même chose...

thomas ruff internet art arpanet

Alors, dernier conseil : au lieu de lire des choses inutiles sur l’art sur Internet, allez visiter une exposition !

* pour les non-geeks, ou les plus jeunes d’entre vous, l’Arpanet est en quelque sorte l’ancêtre d’Internet.... cqfd.


Ar(t)panet.

Internet changed the deal. Not its use: leaving aside for a while the Pope Milton Manetas and his Neen artists cardinals. No, Internet changed the way you look art. So, let’s cleansed the doors of perception that every thing appears to use as it is: infinite.

We are not talking about the works, sometimes fascinating, sometimes simple, living by Internet. We won’t talk about too the main mean that Internet represents for the search of raw materials for artists, using it with talent (Steven Shearer) or with what they can do (Ida Tursic & Wilfried Mille). So yes, Internet already changed a lot of things concerning the way you make art, even on its capacity to open a door to numerous budding artists and/or needing recognition…it’s the same for every form of creation: singers, actors, writers, cooks or else, all kind of bloggers. But Internet particularly changed the way you look into art, allowing you to see everything. Big Brother, are you here? We become omniscient, virtually real spectators.

62 years ago, a little man understood and told, in his Imaginary Museum, that photography will open access to thousands of works, internationally, mobile and distributed through books. What would he think about Internet? Would he be able to imagine it? Now, we can see works worldwide, even before the exhibition open sometimes. Our advice: go and look at the Hardcore Zombie Project by Bruce Labruce at www.peresprojects.com. We can cross an exhibition thanks to “virtual visits” without moving. Our advice: visit Phantom Studies by Lori Hersberger at www.mac-lyon.com. You can see art videos and performances of all kind and permanently. Our advice: look at the absolute king and absolutely fascinating website www.ubu.com, and begin by looking at the videos Selected Works (1970-71) by Bas Jan Ader. Worst: you can even buy a work, without seeing it “in real life”… (Ah, Internet excesses: where is parental control?). Our advice: don’t do it.

We are not here to judge of the progress Internet represents, obviously. We evolved since the Workers leaving the Lumiere Factory. All the excesses and drifts, including the ones concerning art dangerous field, have to be banned (well, only the ones which are not constructive experience). Internet is a gift for all those are not happy billionaires art collectors, jet-lag terrorists, going to Tokyo MOT, to see the… sound exhibition by Kyoji Ikeda, just for fun. Internet is so great that you don’t want to go out anymore and believe you can see everything. Well, the problem is you cannot understand Claude Lévêque without feeling his brilliant installations, perceive the outrageousness of an empty piece by Martin Creed, touch the elegance of paintings by Jonathan Meese. Art has to be lived (because art is life), deeply felt, physically. There is the same difference between a disc and a show. But art is only created for concert… and we do caps, live cds. Except from the Neen sect, all the works have to be seen (visual arts?) in their materiality, face to face with immateriality. Yeah, yeah… even photographs, and videos. Simply because the context changes the work: A piece by Thomas Ruff at the museum, on your screen, or above your couch, we swear, it’s certainly not the same thing….

So, last advice: instead of reading useless things on art on the web, stand up and go visit an exhibition!

* for the non-geeks, or the youngest readers, Arpanet is the ancestor of Internet… case made.

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