KELLEY'S BOUTIQUE

Les Beastie Boys sont à la musique ce que Barack Obama est à la politique : la démonstration que les noirs sont capables de faire aussi bien, sinon mieux, que les blancs... et inversement. Cela présuppose cependant deux choses : premièrement, que Barack Obama confirme les immenses espoirs en lui (est-il besoin de spécifier que la majorité de ceux qui l’ont porté aux nues, et particulièrement dans le reste du monde, ne connaissent rien, ou si peu, de son programme politique ?) ; deuxièmement, que l’on considère les Beastie Boys comme un groupe de Hip-Hop, ce qui est loin d’être une évidence...

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Avec
Paul’s Boutique, les Beastie Boys prouvent qu’ils sont non seulement un groupe à part, mais surtout qu’ils transcendent les délimitations de genre. Ils atteignent par celui-ci un statut différent, une dimension qui fait du groupe new-yorkais un des plus grands groupes de rock de ces dernières décennies, sorte de Suicide commercial. Afin de célébrer le 20ème anniversaire de ce deuxième album, ressort une version remasterisée de ce soldat inconnu. L’occasion de se rendre compte que 3 ans après le pionnier Licensed to ill, les « 3 idiots qui ont crée un chef d’oeuvre » (dixit Rolling Stone) nous refont le coup : peut-être pas si hasardeux finalement, peut-être pas si idiots, certainement.

A y regarder d’un peu plus près, on retrouve dans le Paul’s Boutique des Beastie Boys nombre de stratégies similaires à celles mises en place dans l’oeuvre de Kelley Walker, un autre blanc-bec qui se démène avec les problèmes raciaux. Par delà les similitudes habituelles et entendues de l’appropriation (Walker préfère parler de recyclage) qui lient les réutilisations simultanées d’images tirées de journaux de Walker aux sons de vynils samplés des Beastie Boys, les américains partagent dans leur pratique respective des explorations des mêmes contrées. Tout d’abord une approche « minimalisante » dans laquelle Walker réduit au maximum son intervention : le dentifrice sur couverture de magazine scannée (schema; Aquafresh plus Crest with Whitening Expressions (Regina Hall)), répond aux rythmiques contrôlées basse / batterie (samplées, scannées) des Beastie Boys. Le pop qui jaillit des matériaux premiers de Walker (magazines, publicités) trouve un écho évident dans les paroles du groupe. Entre légèreté et sens caché, les textes des Beastie Boys sur Paul’s Boutique jettent une lumière singulière sur la société américaine de leur époque. Démarche popisante qui prend appui sur la société et sa consommation d’une musique emplie d’images et d’images parcourues de sons. Aux déchaînements de Mike-D, MCA et Ad-Rock s’allient les cris silencieux des oeuvres de Kelley Walker. Dans le renversé et renversant Black Star Press (rotated 90 degrees counterclockwise): Black Star, Black Press, Star Press on pressent une violence toujours au bord de l’implosion, un hurlement étouffé, recouvert de douceur chocolatée comme l’est le coeur rock dans l’emballage rap des Beastie Boys. C’est ainsi que l’on retrouve la confrontation raciale qui préoccupe tant Walker, des émeutes aux visions déviées de sa représentation. A l’instar du rock, musique de noir joué par un blanc (le premier Elvis, pas le ressuscité), les Beastie Boys imposent au rap une démonstration de crossover qui créera une brèche dans le spectre musical des années 1990 (Looking Down the Barrel of a Gun). Le mix opère.

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Artiste et musiciens jouent enfin sur la constitution de strates. Les Beastie Boys multiplient les couches de samples, empilent les références, défient l’interprétation alors que Kelley Walker superpose chocolats, dentifrices, pois, étoiles, sur un choix d’images hautement référencées. Kelley Walker et les Beastie Boys apparaissent dès lors comme des propagateurs de culture (Nine Disasters), défiant l’autorité (les samples des Beatles), altérant les frontières. Ils décident tout simplement de redéfinir l’Amérique, un pays capable en moins de 50 ans d’abolir la ségrégation et d’élire un « homme issu des minorités visibles » à la tête de la première puissance mondiale. Ne pas oublier du coup, et surtout en ce moment, que la politique passe par la culture... et inversement, malheureusement.


Kelley’s Boutique.

The Beastie Boys are at music what Barack Obama is at politics: the demonstration that black people are able to do as well as white people… and conversely. It presupposes two things: firstly, that Barack Obama confirms huge hopes pinned on him (do we have to specify that the majority of people who praised him to the skies, specifically on the rest of the world, don’t know nothing, or however little, about his political program?); secondly, that we consider Beastie Boys as a Hip-Hop band, and it’s far from being obvious….

Thanks to Paul’s Boutique, the Beastie Boys prove they are not only a particular band but they transcend gender delimitations. They reach a different status, a dimension that consecrates the New-York band one of the greatest rock band of last decades, a kind of commercial Suicide. In order to celebrate the 20th anniversary of this second album, a remastered version of this Unknown Soldier is released. It gives us the possibility to realize that, 3 years after Licensed to ill, the “3 idiots who made a masterpiece” (dixit Rolling Stone) do it again: maybe not so haphazard, certainly not so idiots.

Looking closer, we can find on Beastie Boys’ Paul’s Boutique album, some similar strategies to Kelley Walker’s work, another whitey dealing with racial issues. Beyond the usual and already known similarities of appropriation (Walker prefers the term of recycling), linking the simultaneous reuses of images extracted from newspapers by Walker to sampled vinyl’s sounds by the Beastie Boys, the Americans share, into their respective practices, the exploration of the same lands. The “minimalising” approach of Walker, reducing his intervention to the maximum: the toothpaste on the scanned magazine covers (schema; Aquafresh plus Crest with Whitening Expressions (Regina Hall)) echoes back to controlled (sampled, scanned) bass / drum rhythm sections of the Beastie Boys. The Pop emerging from Walker’s raw materials (magazines, ads) sends back to band’s lyrics. Between lightness and hidden meaning, the texts of the Beastie Boys on Paul’s Boutique enlighten on a singular way the American society of those days. The Pop reasoning leans on the society and its consumption of a music filled up with images and images filled up with sounds. The fury of Mike-D, MCA and Ad-Rock is completed by the silent screams of Kelley Walker’s pieces. On the reversed and astounding Black Star Press (rotated 90 degrees counterclockwise): Black Star, Black Press, Star Press, we sense a violence constantly ready to explode, a muffled howl, covered with chocolate softness, like the rock heart in the middle of the rap wrapping of the Beastie Boys. We recognize then the racial struggle Walker is deeply concerned about, from riots to drifted visions of its representation. Following the example of Rock, black music played by a white guy (the first Elvis, not the resuscitated one), the Beastie Boys lay down to rap a demonstration of crossover that will create a gap into musical domain during the 1990 (Looking Down the Barrel of a Gun). The mix is working.

Finally, artist and musicians play with the constitution of stratums. The Beastie Boys multiply the sampling layers, pill up references, defy the interpretation when Kelley Walker superimposes chocolates, toothpastes, dots, stars, on a choice of highly referenced images. Kelley Walker and the Beastie Boys appear as culture proponents (Nine Disasters), challenging authority (the Beatles samplings), distorting the frontiers. They simply decide to redefine the United States, a country that abolished segregation and elected a colored man to the head of the most powerful country in the world in no time (less than 50 years!). So, don’t forget, especially nowadays, that politics goes through culture…. And, unfortunately, conversely.

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