CULTURE PUB

Il y a quelques mois de cela, Audi, en lançant sa nouvelle voiture, réussissait le coup d'éclat de convoquer, dans un spot publicitaire de moins de trente secondes, non moins qu’Andy Warhol, Andreas Gursky et Katarina Fritsch.

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Un homme (cadre sup, cela va sans dire....) regarde d'un oeil distant à travers la vitre de sa tour d'ivoire la ville défiler. Il se voit courir avec des amis (anima sana in corpore sano) puis en train d'acheter des boîtes de soupe Campbell (Andy, VRP de luxe de la marque à vie.... et au-delà). Plan arrière pour une copie fidèle du
99 cent de Gursky. Passage enfin devant des rangées de mannequins plâtrés (entre Company at table et Dealer de Fritsch), proches d'une armée de Xi'an, soldats enfermés dans l'armure moderne du costume-cravate. Les images sont à double détente. Représentatives d'un quotidien englué de banalité, elles sont là pour nous permettre de comprendre l'échappatoire qu’offre la nouvelle Audi A4. Ce même échappatoire que représentait l'art lorsque les oeuvres évoquées dénonçaient la même tiédeur, le même conformisme. L’oeuvre d’art, devenue icône, est retournée pour redevenir vivante, à son tour consommable. Tourniquet tourbillonnant et vertigineux entre stratégies de récupérations, société de consommation qui s'auto-glorifie, se cannibalise, et un art devenu sans identité, cité, “publicisé”. Le second degré de compréhension du message (et l'on frôle alors la sémiotique Barthesienne...) serait de sentir le clin d'oeil complice qu'adresse Audi à ses clients. Oui, nous partageons un certain nombre de valeurs, dont celles de l'art.... et de l'argent. L'art devenant le signe, quasi subliminal, à interpréter.

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Rebelote il y a quelques jours. Une femme allongée sur une méridienne devant un mur de décor en carton-pâte. Un simple détail qui revêt toute son importance : le mur, méridienne et vêtements de l'actrice sont uniformément rayés noir et blanc, permettant ainsi à l'ensemble de se fondre dans un camouflage de lignes. Autant dire que le plan est une copie exacte de la performance Ponti Sister de Vanessa Beecroft. Soudain, la femme se lève, passe à travers le mur (tel Bourvil dans le Passe-muraille) et comme par enchantement se découvre de l'autre côté du mur rayé, affublée d'une lumineuse robe pailletée, enfin libérée de son costume de prisonnière, bagnard tiré de Lucky Luke. Quel produit peut-il être à l'origine d'une telle utilisation subtile de l'image de Beecroft ? Des serviettes hygiéniques bien sûr ! Quelle autre incarnation de la féminité aurait pu à si juste titre détourner toute l'ambivalence des actions de l'artiste pour en faire une interprétation littérale, dénuée de charme et d'interrogations ? Car oui, pour un publicitaire, Ponti Sister de Beecroft n'est qu'une image de plus sur papier glacé (ou plus encore sûrement, émergeant d'une “googleïsation” de la culture....), utilisable, modifiable, un signe tout simplement. Celle d'une condition féminine (à jamais) bafouée et incarcérée (que personne ne prononce le nom d'Agnès Turnauer !). Réduire Beecroft à une femme immobile sur un canapé, Warhol à de la soupe, Gursky à un photographe de supermarché, Fritsch à une costumière ratée, n'est pas significatif uniquement de la terrible machine à corrompre qu'est la publicité telle qu'on voudrait nous la présenter, se déchargeant ainsi de toute responsabilité. Si Tf1 vendait effectivement "du temps de cerveau humain disponible" à Coca-Cola, il n'en demeure pas moins que la question de l'image en général, et celle de l'art en particulier est complexe et dérangeante. La démultiplication et la circulation de la représentation des oeuvres souhaitées par Malraux et son Musée imaginaire, s'étend et infiltre les couches les plus infimes de la société, jusque dans la publicité. Dangereuse dérive ? Est-ce finalement si perturbant que cela ? Le souci ne vient-il pas plutôt de la multiplication de pillages et de contrefaçons dont souffre l'art ? Les publicitaires : des milliers de travailleurs chinois clandestins ? Décidément, rien n'échappe au cliché....


ARTVERTISING

A few months ago, Audi launched its new car. The TV ad miraculously succeeded in reminding not only of Andy Warhol but also of Andreas Gursky and Katarina Fritsch. A man (a senior executive of course...) gazes at the swarming city out the window of his ivory tower. He remembers running with friends (anima sana in corpore sano), then purchasing some Campbell soup cans (Andy, a luxury representative for a lifetime... and beyond). The camera moves and discovers a faithful copy of Gursky’s 99 cent. Finally, he walks in front of plastered models (between Fritsch’s Company at table and dealer works), a kind of Xi’an army, soldiers trapped on white-collar suits as modern armors: double layer images.

Images stand for an ordinary everyday life, allowing us to understand the way out offered by the new Audi A4. This way out is precisely the one Art used to deal with when the mentioned works of art pointed out the same half-heartedness and conformity. The iconic work of art returns to life, useable again.

A dizzy, swirling turnstile with appropriation strategies, mixing a consumer society that equally glorifies and self-destructs, with Art, quoted, disembodied, advertized. The second point of comprehension of the message (relative to Barthes semiotic) would be the conniving allusion between Audi and its customers. Definitively, we share common values, like art and... money. Art becomes therefore an interpretative and almost subliminal sign.

Same story, a few days back. A woman, lying on a couch, faces a set wall. A simple detail draws our attention: the wall, the couch and the actress’ dress are similarly black-and-white-striped, fitting the ensemble in covering lines. Specifically, the shot is a mere copy of Vanessa Beecroft’s Ponti Sister performance.

Suddenly, the woman stands up and goes through the wall (as Bourvil in the Passe-muraille movie) and magically appears on the other side of the stripped wall, dressed in a bright sparkling dress, finally free from her captive suit, like a convict extracted from a Lucky Luke comic book. What product could so subtly use Beecroft’s work? Menstrual pads, but of course! What else could hijack the artist’s ambiguous actions and turn them into a literal, charmless and questionable interpretation? That’s right, Ponti Sister is just an image on glossy paper (or more surely, taken from a Google research) and for an advertising executive, a simple image that becomes useable, modifiable, reduced to a sign.

This latter is the representation of woman status for ever overridden and imprisoned (Don’t even get me started on Agnes Turnauer!). Reducing Beecroft to a lazy woman on a couch, Warhol to a can of soup, Gursky to a supermarket photograph, Fritsch to a miserable costume designer is not simply the interpretation given by advertising, that terrible and corrupt machine we sometimes abusively portray : we bear some responsibility in the process.

If Tf1 (the main French private channel) admittedly sells “expendable brain time” to Coca-Cola, image in general and particularly in Art remains a complex and disturbing question. The increasing number of artwork images in circulation, wished by Malraux and his Imaginary Museum, are spreading and penetrating the thinnest layers of society, including advertising.

Is it a dangerous drift? Is it really disturbing? The problem seems to be, more obviously, the increasing number of plundering and counterfeits, which does put jeopardize Art. Do thousands of underground Chinese workers hide behind advertising executives? I guess nothing does resist to a cliché....

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